« Les premiers flocons de neige sont toujours les plus beaux. »

Dans ces basses montagnes, la présence humaine semblait s'être effacée. Quelques maisons en bois étaient dressées, mais elles paraissaient vides. Comme-ci les habitants avaient soudainement déserté. En réalité, cela faisait plusieurs mois que cette situation perdurait. Malgré la faible altitude, des loups avaient décidé de faire de ces montagnes leur nouveau territoire. La nuit tombée, ils s'en allaient déchiqueter chèvres et moutons. Au petit matin, les bergers découvraient avec horreur la teinte qu'avaient prise leurs enclos.
Aujourd'hui, la couleur dominante était le blanc. Le sang n'avait pas le droit de souiller la neige. Il n'y avait plus rien à protéger, par conséquent, il n'y avait plus personne pour attaquer. Les bergers n'étaient plus, ils avaient rejoint la ville. Moutons et chèvres n'étaient plus, tous avaient succombé aux assauts carnivores. Le caractère solitaire du loup avait gagné – les montagnes lui appartenaient, plus personne n'osait contester son autorité. Il vivait en paix.
Depuis ce jour, la nature semble avoir repris ses droits, les maisons abandonnées se dégradant, la neige les recouvrant. Là où le calme règne, mélancolie et sérénité naissent. Ensemble, elles créaient un paysage unique et singulier, changeant d'atmosphère au gré du temps et des saisons, tout en laissant la solitude dominer l'instant présent.
Néanmoins, à l'écart des ruines du village, se dressait une grande et somptueuse demeure traditionnelle. Celle-ci s'accordait magnifiquement avec le paysage environnant, renforçant de cette manière le lien qui unit l'homme à la nature. Et, étrangement, de la lumière provenait de l'une de ses fenêtres.
A l'intérieur de celle-ci, un jeune homme, à peine adulte, admirait d'un ½il pensif l'atterrissage des flocons de neige. Toujours ce même silence régnant, cette solitude tant recherchée et appréciée. Seul, dans sa demeure, dans son village, dans son univers. Abandonné par la réalité, s'abandonnant à son imaginaire. Sans un bruit, il ouvrit la fenêtre. S'avançant vers l'extérieur, il ferma les yeux, laissant les flocons venir lui caresser délicatement le visage. Cette neige, il l'avait attendue. Il voulait pouvoir l'admirer sereinement, laisser sa douce fraîcheur l'envelopper, imprégner son c½ur d'une douce chaleur. Un sourire innocent se dessina sur ses fines lèvres – cette année, le ciel le lui avait permis.
Cette atmosphère, il la chérissait. Grâce à son ambiance rassurante et à ce merveilleux paysage, il pouvait enfin rêver, réfléchir à des questions existentielles, ou bien s'abandonner à des pensées plus futiles. Aussi simples soient-ils, ces petits moments lui étaient précieux.
Cependant, malgré tous ces avantages, il arrivait de temps à autres que sa solitude lui fasse défaut. Dès lors, il commençait à se sentir... seul. Et cette fois-ci, dans le sens négatif du terme. Il est bien beau de se sentir comme si le monde nous appartenait, sans rien ni personne pour se mettre en travers de notre chemin. Mais quelques fois, malgré toutes les merveilles autour de lui, une étrange sensation apparaissait au fond de son c½ur. Un manque. Il avait lu quelque part que l'homme ne pouvait vivre seul. Mais son paradoxe intérieur lui avait empêché de se pencher un peu plus sur la question.
Il soupira. Ces foutaises le fatiguaient et ne le menaient à rien. Il avait toujours vécu de cette manière-là, et cela ne lui avait jamais posé problème. Alors, pourquoi devrait-il changer ? En réalité, plus qu'une amertume, c'était un pressentiment qu'il avait au fond de lui. Un étrange pressentiment. Comme-ci un quelconque événement bouleverserait à jamais son existence.
Cela semblait irréaliste, dérisoire. Aucun signe ne s'était manifesté pour que de telles idées prennent vie. Pourtant, la sensation persistait. Était-ce la neige qui lui faisait cet effet-là ? Quoiqu'il en soit, il n'avait pas envie de se prendre la tête avec ces idioties.
Remarquant que le froid commençait à l'atteindre, le jeune homme ferma la fenêtre. La neige était si belle, il ne pouvait s'arracher à sa contemplation. Alors, tel un enfant, il saisit une chaise, s'installant le nez devant la vitre, la tête entre ses bras. La blancheur de la neige contrastait magnifiquement avec l'obscurité de la nuit. C'était vraiment beau à voir. Plus le temps passait, plus ses paupières s'alourdissaient. Mais il était bien dans cette position, et refusait toujours de s'éloigner de sa fenêtre. Alors il ferma les yeux, une première fois, les rouvrant de temps à autres. Progressivement, le sommeil finit par prendre le dessus, et le jeune homme tomba dans les bras de Morphée, gardant à l'esprit sa dernière image de ce paysage singulier.
bodyguard-7, Posté le dimanche 26 août 2018 07:50
Coucou,
Je viens de lire ton premier chapitre. Ton écriture est fluide et c'est un plaisir de te lire. Je visualise facilement la scène et grâce à toi, j'ai déjà hâte qu'il neige ! Vivement la suite !